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Etre sous-marinier, c’est « avoir les nerfs solides » pour « tenir le coup » à bord pendant plusieurs semaines. L’ancien sous-marinier Michel Scarpellini raconte son ancien métier, « un virus » qu’il a attrapé à 19 ans. Le président du Musée de l’escadrille des sous-marins de l’Atlantique et ses camarades sous-mariniers entretiennent aujourd’hui le sous-marin Flore, que l’on peut visiter à Lorient (Morbihan).
Quelle est l’origine du Mesmat, le Musée de l’escadrille des sous-marins de l’Atlantique ?
Le Mesmat a vu le jour en 1995, en lien avec la fermeture de la base des sous-marins (BSM) de Lorient, intervenue en 1997. J’ai pris la présidence de l’association en 1996. Et je ne l’ai plus quittée depuis ! Notre but, en lançant le Mesmat, était d’ouvrir le sous-marin Flore au public. Et de faire en sorte que la présence de la Marine française, pendant 50 ans sur la base, ne soit pas occultée. Au départ, en matière de reconversion de la BSM, Lorient Agglomération souhaitait privilégier la voile… Puis la décision a été prise de faire un musée, nous avons travaillé avec le cabinet de muséographie chargé du projet. Aujourd’hui, l’ensemble est géré par la Sellor (société d’économie mixte qui gère les ports de plaisance et les équipements de loisirs du pays de Lorient, N.D.L.R.). On leur fournit des guides, on assure l’entretien de l’intérieur du sous-marin. Pour l’extérieur, la Sellor s’en charge.
Vous êtes vous-même ancien sous-marinier. Quel est votre parcours ?
Je suis né en Corrèze, et j’ai passé mon enfance en Normandie. Mon père était lui-même sous-marinier, en 1938-1939. Il m’a filé le virus sans le vouloir… Il me disait que c’était un monde à part, mais il ne souhaitait pas que je suive cette voie. Et je suis entré dans la Marine à l’âge de 19 ans ! Je leur ai dit : « Les sous-marins, ça m’intéresse ». J’ai commencé sur l’ Argonaute , en 1960. En 1966, je suis arrivé à Lorient. Ici, j’ai « fait » pratiquement tous les sous-marins. Un chasseur de mines, aussi. Et j’ai terminé à l’État-major.
Les missions peuvent être longues à bord d’un sous-marin. Quel est votre « record » ?
Quarante-cinq jours sans refaire surface ! C’était au moment de la guerre froide. On faisait du renseignement dans le Grand Nord. Quarante-cinq jours, c’est long, et assez pénible. Mais nous étions entraînés psychologiquement. On faisait des stages pour savoir si on était capables de tenir le coup… Être sous-marinier, ça signifie avoir des nerfs solides, c’est clair. Il faut tout connaître à bord, savoir réagir tout de suite. Chacun a la vie de ses collègues entre ses mains. La peur, elle existe. En cas d’avarie, de problème sérieux.
Justement, peut-on comparer la vie à bord d’un sous-marin aujourd’hui à ce que vous avez connu ?
Non, ça n’a rien à voir. Nous connaissions des conditions de vie à bord très différentes, plutôt rudimentaires. Nous avions des exercices, nous partions en mission. Si on compare avec les bâtiments d’aujourd’hui, les SNA (sous-marin nucléaire d’attaque) se rapprochent davantage des sous-marins de notre génération. Ils sont constamment en mer, bougent en permanence. Contrairement aux SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins, N.D.L.R.). L’esprit sous-marinier des années 1970-1980 n’est plus celui d’aujourd’hui. Sans compter la technologie, qui a énormément progressé. Les conditions de vie à bord aussi, se sont améliorées.
Un sous-marin a un côté intrigant, non ? Est-ce ce qui fait que le musée fonctionne autant ?
On a atteint le cap des 70 000 visiteurs par an. On ne pourra pas aller beaucoup plus haut, on ne peut pas accueillir plus de 35 personnes à bord de La Flore . Les sous-marins, ça a toujours intéressé les gens. Ils sont surpris : « Mais comment viviez-vous là-dedans ? » Deux fois par an, nous organisons également un repas à l’intérieur de La Flore . Ça fonctionne à fond. Et puis, il y a aussi l’environnement lui-même. La BSM, ces espèces de cathédrales de béton… Ça impressionne toujours les visiteurs. Avant l’ouverture du musée, beaucoup de gens, même d’ici, n’avaient jamais mis les pieds à la base. Ils croyaient que c’était toujours militaire.
L’univers des sous-marins inspire aussi le cinéma. Avez-vous vu Le Chant du loup ?
Absolument. Il y a un ou deux trucs un peu bizarres. Mais à part ça, c’est très bien, crédible et conforme à la réalité. L’histoire de cette « oreille d’or » qui commet une erreur de jugement, laquelle va avoir des conséquences… Les acteurs ont plongé à bord de vrais sous-marins. Ça reste du cinéma. Mais le film pose quand même une question. Lorsque l’ordre est donné de lancer un missile, toutes les communications sont coupées et on ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas annuler le tir. Et quand l’ordre se base sur de fausses informations… C’est ce qu’il se passe dans le film. D’une manière générale, les sous-marins au cinéma, il y a du bon et du moins bon. Selon moi, Das Boot reste la référence. C’est quasiment un documentaire.
Une autre actualité est liée à la reprise des recherches concernant l’épave du sous-marin Minerve , disparu avec son équipage au large de Toulon en 1968…
On avait tous des copains à bord, on avait suivi ça à l’époque… Je suis content que les recherches reprennent. Ça ne donnera pas la solution du problème (pourquoi le sous-marin a coulé), mais, grâce aux moyens technologiques, on saura où se trouve l’épave. Pour les familles, c’est important.
Le Mesmat, c’est aussi un atelier et un lieu de stockage assez fabuleux… Pouvez-vousnous racontez ?
Chaque mardi, on vient travailler dans cet atelier de 500 m2. On est environ une quarantaine. D’anciens sous-mariniers pour la plupart. Lorsque la base a fermé, on a récupéré plein de choses, pour remettre en état La Flore. Ce matériel nous permet aussi de monter des expositions. Parmi nos trésors, on peut citer une belle hélice, un pupitre de contrôle (de la télémécanique !), des périscopes (dont celui d’un U-Boot), un moteur d’U-Boot (20 tonnes, 1 600 CV). Les Américains avaient le même ; il servait de groupe électrogène à Hollywood. Ils nous en faisaient cadeau mais il fallait aller le chercher là-bas, alors… On a aussi des récepteurs radio, des maquettes, un projecteur de la DCA allemande, une bombe à fragmentation (inerte, bien sûr), comme celles qui sont tombées sur Lorient pendant la guerre…
Repères :
1997 Fermeture définitive de la base des sous-marins à Keroman.
2010 Ouverture du musée du sous-marin Flore , l’inauguration est assurée par l’amiral Forissier, chef d’État-major de la Marine.
2015 70e anniversaire de la libération de Lorient, « on avait mis un grand pavois sur le sous-marin Flore » .
2018 Le musée passe la cap des 500 000 visiteurs depuis son ouverture.
Ouest France